Laura, de l’Europe à l’éveil
Je suis Laura, une fille vive, une professionnelle curieuse, qui avait une épine à retirer : sortir d’Europe et devenir coopérante. On te dit normalement que c’est impossible si tu as moins de 30 ans et de l’expérience même à Interpol, mais je ne sais pas comment j’y suis arrivée.

J’ai pu me rendre dans une communauté des hauts plateaux andins et découvrir le processus de mémoire intégrale et d’agroécologie qu’APRODEH accompagne avec ses habitants. Nous avons récolté des pommes de terre indigènes. Culluchaca.
Quand tu expliquais à ta famille ce que tu faisais là-bas, que leur disais-tu ?
Je leur disais que j’apprenais sur la situation politique du pays, que je vivais une expérience professionnelle dans un autre environnement accueillant et proche, que je me faisais de nouvelles amitiés de cultures différentes et que je voyageais et mangeais très bien.
Quelles étaient tes principales hésitations avant de partir ? Qu’est-ce qui t’a finalement convaincu de partir malgré tes doutes ?
J’avais un travail stable, un partenaire et je ne savais pas si j’allais être à l’aise dans un pays si différent. Surtout, j’avais peur de me sentir seule, ou d’échouer parce que le projet n’était pas ce à quoi je m’attendais et de devoir ensuite rentrer chez moi avec ce poids.

L’atelier sur la mémoire historique et les droits de l’homme avec le mouvement social d’Ayacucho a été un succès. Ayacucho.
Qu’est-ce qui t’a finalement convaincu de partir malgré tes doutes ?
J’ai pensé que ce n’était pas un caprice, mais une idée que j’avais en tête depuis le début de ma carrière. Principalement, j’ai pensé qu’il valait mieux regretter d’avoir essayé que de ne pas avoir essayé. De plus, j’ai relativisé : je suis jeune, et si ça se passe mal et que je dois recommencer à zéro, il n’est pas trop tard. J’ai aussi fini par avoir confiance en ma façon d’être et mon adaptabilité.
Comment s’est passé ton arrivée et ton adaptation ? Le moment où tu as su que tu avais fait le bon choix, c’était…
L’arrivée a été agréable et, en même temps, déconcertante. La maison était un lieu sympathique, le climat et les stimulations aussi. Cependant, j’ai eu un peu de mal à comprendre les dynamiques de travail, ce que je venais faire. Petit à petit, je me suis adaptée et avec la confiance de l’équipe, ça s’est amélioré.

Lors d’une cérémonie commémorative à l’occasion de l’anniversaire du rapport final de la CVR, célébrée à El Ojo que LLora. Lima.
Le moment où tu as su que tu avais pris la bonne décision fut…
Quand, un jour tranquille, je me suis assise pour penser : tout ce que je vis est unique. J’ai réfléchi à ce que je ressentais, à ce que j’avais appris au niveau personnel, à gérer les émotions et la distance, à comprendre un autre contexte de travail, à profiter du Pérou.
Peux-tu raconter un moment où tu t’es senti fier ou utile ?
Je me souviens lorsque j’ai donné l’atelier sur la mémoire et les droits humains à Ayacucho. Voir le mouvement, les jeunes, les mères de l’ANFASEP (association des victimes du conflit armé interne) impliqués, a été un sentiment très puissant. J’ai senti qu’ils avaient besoin d’un espace pour parler, pour s’articuler, surtout en ces temps de répression que traverse le Pérou, et que mon tuteur et moi y étions parvenus. Par la suite, ils nous ont remerciés.
Avec le recul, qu’est-ce que cette expérience t’a apporté personnellement ?
Cette expérience m’a appris beaucoup de choses. Premièrement, à gérer la distance, que celui qui veut rester le fera s’il y a une prédisposition des deux côtés. Deuxièmement, à comprendre d’autres façons de vivre, de penser, de travailler, la structure et la dynamique sociale du pays, à relativiser le temps et à se connecter à partir de la différence mais pour un bien commun. Troisièmement, à découvrir un pays. Quatrièmement, à me connaître moi-même sous de nombreux aspects quotidiens : à arrêter de courir, à commencer cette activité de loisir que je repoussais toujours, à découvrir ma passion pour la montagne. Ce sont trop de choses.
Que dirais-tu à quelqu’un qui hésite encore à partir ?
Je lui dirais plusieurs choses. Premièrement, que je comprends, car c’est difficile, et que j’ai de l’empathie pour ce sentiment aigre-doux de désir et en même temps de peur. Deuxièmement, que, même si tout son entourage ne le comprend pas ou ne le soutient pas, qu’il/elle s’écoute, et que de ce travail d’introspection, il/elle trouve le courage de faire le pas. Troisièmement, qu’il/elle se prépare mentalement à ce qui s’en vient, qu’il/elle ne soit pas pressé(e) de tout faire le premier jour ni d’être à 100% dès la première minute, qu’il/elle ait de la patience et qu’il/elle cherche de l’aide s’il/elle a des problèmes pour son départ.
Comment l’ADICE t’a aidé à préparer ton départ ?
L’ADICE nous a proposé une formation pré-départ qui abordait différents thèmes, des plus émotionnels/personnels aux plus opérationnels. Cela m’a aidé à contextualiser le programme et à avoir des directives de base sur la sécurité dans un pays différent du mien. De plus, le fait qu’ils aient réussi à obtenir mon visa de coopérant avant le départ et que je n’aie pas eu cette préoccupation a été fondamental.

Moi travaillant dans mon bureau à la systématisation des actions de mémoire d’APRODEH. Lima.
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