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Témoignage en confinement: Tatyana, EU Aid Volunteer en Inde

CES volet Aide Humanitaire

Depuis mon premier contact personnel avec l’Inde et la culture indienne il y a plus de dix ans, je n’ai cessé de répéter, lorsqu’on me demande mes impressions, que c’est un pays de contrastes et d’extrêmes qui coexistent et qui sont vécus simultanément. C’est comme si vous pouviez voir les deux faces d’une pièce de monnaie en même temps, parce que vous essayez de trouver l’équilibre sur la tranche étroite qu’elles forment, là où elles se confondent. C’est ainsi que je perçois mes séjours de longue durée dans ce pays (jusqu’à présent 4, y compris celui en cours). Étant étrangère je ne m’attendais à rien de moins qu’une montagne russe sur laquelle je devrais à nouveau trouver l’équilibre. Je me suis jugée suffisamment préparée pour cela. Cependant, je n’avais jamais prévu qu’elle serait, cette fois-ci, mondiale et liée à des questions de santé et de sécurité.

Les six mois se sont écoulés relativement vite et calmement, sans qu’il y ait eu beaucoup d’actions. Je travaillais principalement au bureau, à la seule exception d’un voyage d’évaluation des besoins dans le village tribal de Sindurtaila, au fin fond de la jungle d’Odisha (région indienne).

J’avais même commencé à croire que cette fois-ci, je sauterais les « balançoires sauvages » entre les extrêmes et que je n’aurais pas d’histoires à raconter – beaucoup de choses ont changé en Inde au cours de la dernière décennie et tout se passait vraiment bien et le plus harmonieusement possible (avec beaucoup moins de débordements). Ou alors, m’étais-je simplement tellement habituée au mode de vie indien ? Quoi qu’il en soit, se retrouver à mi-chemin sur le plan culturel n’était pas si difficile qu’auparavant. C’est pourquoi il a été décidé de prolonger la période de déploiement de ma mission jusqu’à la fin du mois d’avril…

… Et nous voilà le 1er mars – mes collègues indien.ne.s (et espagnole) et moi-même – à célébrer l’ancienne tradition bulgare Baba Marta (grand-mère mars) au bureau. C’était un bel échange culturel et j’ai été heureuse de partager cette tradition unique avec mes collègues et j’ai apprécié leur intérêt et leur enthousiasme !

 

 

 

Ensuite, j’avais prévu de prendre des vacances autour de Holi (le 10 mars) – l’une des plus grandes fêtes religieuses de l’Inde et mon anniversaire (le 19 mars).

Cependant, les nouvelles concernant la propagation rapide du nouveau Coronavirus (SRAS CoV-2 ou CoVID-19) ont déjà commencé à créer de l’anxiété dans le monde entier. Ma collègue espagnole Andrea avait décidé qu’elle se sentirait plus en sécurité dans son propre pays et s’afférait à quitter l’Inde pour le 22 mars.

Les choses ne s’annonçaient pas idéales pour mes vacances, j’ai dû les annulées. Pourtant, contrairement à ma collègue, je voulais rester et poursuivre ma période de déploiement jusqu’à la fin prévue. Je pensais que l’Inde gérerait bien la situation épidémique, car les autorités avaient déjà entamé des campagnes de prévention sur les mesures à prendre. Il y avait un très faible nombre de patient.e.s enregistré.e.s pour la CoVID-19 : moins de 100 et seulement 2 à Bhubaneswar, où nous vivions et travaillions depuis début septembre.

 

 

« Échoués et enfermés en Inde »

Il s’est avéré que Andrea avait réussi à prendre l’un des tous derniers vols au départ de l’Inde. Tous les vols internationaux avaient été suspendus le 22 mars à 7h00. Initialement pour une semaine (selon l’annonce officielle). Elle s’était envolée quelques heures auparavant.

À partir de ce moment, les choses ont pris une tournure soudaine et inattendue assez rapidement et le 25 mars, un blocage total à l’échelle nationale a été déclaré.

Il est vite devenu évident que je ne pourrais pas quitter l’Inde de sitôt, malgré les efforts constants de l’ambassade bulgare et de la délégation de l’UE à Delhi pour m’aider à organiser mon rapatriement. Cela était dû au fait que les vols spéciaux de rapatriement provenaient tous des métropoles comme Delhi, Mumbai et Kolkata (Calcutta). Mais Bhubaneswar se trouvait très éloignée de toutes ces villes.

L’option la plus proche – Kolkata – prenait 8 heures et demie de route au total. Le franchissement des frontières entre les États a également été interdit et nécessitait des autorisations spéciales. Personne n’était prêt à prendre le risque de m’y conduire.

Je n’avais donc pas d’autre choix que de rester en Inde et de m’habituer à la vie dans une situation de confinement.

À quoi ressemblait le confinement version indienne pour une étrangère ?

Tout d’abord, j’ai dû me conformer à toutes les réglementations émises par les autorités (bien sûr) – qui provenaient du gouvernement central comme des autorités locales. J’ai suivi et je continue à suivre les recommandations du ministère de la Santé et de la Famille (MoHFW) publiées en ligne sur leur site web et sur les réseaux sociaux.

Je me suis retrouvée à utiliser une grande partie des outils et campagnes de sensibilisation pour me les adapter et les partager sur la page Facebook de mon organisation d’accueil, l’OSVSWA. Cela fait partie de la campagne de réponse COVID-19 de l’organisation : sensibiliser par le biais de messages sur les réseaux sociaux. C’était l’une de mes activités en tant qu’EUAV (EU Aid Volunteer) dans le domaine de la communication. Comme le travail au bureau avait également été suspendu, toutes les tâches se réalisaient à distance, en télétravail depuis la maison. Afin de rester en contact avec mes collègues, j’ai mis en place un espace de travail en ligne pour l’OSVSWA.

L’étape suivante, liée au travail, a naturellement été de soutenir les activités de l’OSVSWA liées à la campagne « COVID-19 Response ». Outre les postes de sensibilisation sur les médias sociaux, j’ai aussi créé une campagne de crowdfunding numérique sur la plateforme GoGetFunding et j’ai également postulé pour un projet de microfinance par l’intermédiaire de mon organisation d’envoi l’ADICE.

Grâce aux fonds reçus de ces sources, l’OSVSWA a organisé des sessions de formation dans 11 villages des zones tribales d’Odisha. La formation portait sur le lavage des mains, la distanciation physique et les comportements sécuritaires à adopter la pandémie, ainsi que sur la manière de prévenir la propagation du coronavirus. De la nourriture et des masques ont été distribués aux participant.e.s des sessions de formation.

 

 

 

 

Comme je ne pouvais pas me rendre dans les villages en raison des restrictions de déplacement et du nombre de personnes dans un véhicule, mes collègues indien.ne.s portaient les t-shirts EUAV SuDHAV-2 en signe de représentation de la coopération entre l’organisme et le programme européen.

 

 

 

 

Quant à la vie quotidienne à Bhubaneswar, elle a beaucoup changé : rues vides, magasins, restaurants, centres commerciaux, gymnases, salons de beauté, etc. fermés. La ville est soudainement devenue calme, très calme… Je n’avais jamais imaginé une Inde silencieuse, mais j’en suis témoin maintenant. La circulation folle a disparu – dans les très rares moments où je dois sortir de la maison pour acheter des produits de premières nécessités, je rencontrais juste quelques personnes dans la rue principale où il y avait auparavant une foule et encore moins de véhicules. Nous devions tous porter un masque ou une autre forme de protection sur le nez et la bouche et suivre la règle de la distance physique de 1,5 à 2 mètres d’espace entre les individus.

C’était surréaliste. La soi-disant distanciation sociale est un concept vraiment étrange et controversé pour le mode de vie indien. Étrange parce qu’il est pratiquement impossible dans de nombreuses situations et controversé parce que l’Inde a essayé de lutter réellement contre la distanciation sociale (en parlant de castes, de hiérarchies, de statut social, etc.) qui divise encore sa population. Dans ce cas, le terme approprié est donc celui de distanciation physique, et non sociale.

Sur une note positive, l’Inde pendant la partie la plus stricte du confinement (phase 1.0 et 2.0) s’est retrouvée non seulement moins bruyante, mais elle est aussi devenue moins polluée, en particulier avec l’air, et les gens ont commencé à prêter attention à l’importance de maintenir de bonnes habitudes d’hygiène tout au long de la journée.

Une journée typique pendant le confinement

  • Des horaires et des rythmes de sommeil et de travail irréguliers, comme se coucher vers 3 heures du matin, car c’est l’heure à laquelle la température de la pièce baisse un peu par rapport aux niveaux insupportables en journée et début de soirée. Le ventilateur au plafond reste en marche toute la nuit. Faire une sieste lorsque je me sens vraiment fatiguée et que je ne peux pas continuer sans pause (parfois même de 18h30 à 20h00). Je travaille en fin de soirée, lorsque j’ai enfin plus de temps libre après les nombreuses tâches que je dois accomplir.
  • Je cuisine et prépare mes repas tous les jours – 3 fois/jour. J’ai décidé d’abandonner le prêt-à-manger et la livraison de plats des restaurants pendant le confinement, afin de renforcer la protection contre le coronavirus et en raison des prix qui avaient doublés.
  • Beaucoup de choses, et je veux dire BEAUCOUP de communication tout au long de la journée par différents moyens et canaux : appels téléphoniques, SMS, emails, actualités, réseaux sociaux, etc. Cela devenait parfois accablant.

J’ai été en contact avec à la fois, une dame de la délégation de l’UE à Delhi, l’ambassade de Bulgarie, l’ADICE, OSVSWA, Andrea en Espagne, ma famille, mes ami.e.s. Tous à vouloir vérifier comment j’allais et pour m’informer des diverses choses qui se passaient.

  • En termes de socialisation hors-ligne, le mentor d’Andrea qui était aussi mon voisin, vit à l’étage supérieur de la maison de mes hôtes, est devenu mon premier point de contact en cas de besoins domestiques (comme l’organisation de l’approvisionnement en eau potable) et l’une des rares personnes avec qui socialiser, même si c’est très brièvement et à distance. Mais il était important de toujours garder une forme de présence physique pendant la phase la plus stricte du confinement.

Il semble qu’en réalité, je viens de faire l’expérience de ce que c’est que de vivre comme une femme indienne moyenne. Que l’on soit enfermée ou non, la plupart des femmes de mon âge restent à la maison et s’occupent de toutes les tâches domestiques et de leur famille. La seule exception est que j’ai été totalement seule et que je n’ai dû m’occuper que de moi-même.

Oh et aujourd’hui je continue à m’occuper de mes responsabilités en tant que volontaire, ce qui signifie que je dois aussi m’adapter aux nouvelles circonstances afin de poursuivre ma mission.

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