Enola : 7 mois de Service Civique dans l’association Tildat au Maroc

Comment résumer cette magnifique expérience ? Commençons par présenter l’association. Tildat est une association locale, basée à Chichaoua, dans la région de Marrakech-Safi, dont l’objectif premier est la prise en charge des femmes en situation de détresse (femmes battues, femmes désirant divorcer…etc). L’association œuvre également pour l’insertion professionnelle des femmes en proposant des ateliers pâtisserie et couture qu’elles peuvent suivre pendant un an en vue d’obtenir un diplôme et, éventuellement, lancer leur affaire en se mettant à leur compte.

Toutefois, l’action de l’association est loin de se limiter à cela. Mon champ d’activité a été très vaste. Je dispensais des cours de français et d’anglais à des enfants ainsi qu’aux femmes bénéficiaires des ateliers. Je me rendais dans des écoles afin de sensibiliser les jeunes à différents sujets tels que le SIDA, l’écologie, la dépendance électronique, l’abandon scolaire…

Plusieurs fois, la seconde volontaire et moi-même nous sommes rendues plusieurs jours dans des internats ruraux afin d’y animer une multitude d’activités ludiques, sportives et culturelles. Le but étant de casser la routine, parfois pénible, de ces enfants. Par ailleurs, j’ai également monté des projets, notamment un projet de simulation d’entretiens d’embauche pour les élèves de BTS de la ville, ainsi qu’un projet d’envoi de volontaires marocaines au sein d’internats marocains. Enfin, j’ai eu l’occasion de dispenser des cours de littérature française et d’anglais à des femmes inscrites au baccalauréat en candidates libres. Bref, il n’y avait pas deux semaines qui se ressemblaient. Aucune routine, des nouveaux projets toutes les semaines. Notre tuteur, qui est un homme formidable, nous a laissé beaucoup de liberté dans la mise en place de nos projets et activités. Nous avions l’initiative. Cela m’a permis de développer diverses compétences notamment des qualités de gestion de projet mais aussi d’enseignante, avec des élèves de tout âge (5 à 60 ans). Je me suis également familiarisée avec la prise de parole en public, lors de formations professionnelles ou des interventions dans les classes. J’ai, pour la première fois, appris à connaître le monde du travail, et ses contraintes. Tout cela m’a permis de m’affirmer et de renforcer ma confiance en moi.

Cette expérience m’a permis de me familiariser avec la société et la culture marocaine que je ne connaissais absolument pas avant de mettre les pieds au Maroc. Cette culture, d’une immense richesse, n’a pas cessé de m’émerveiller tout au long de mon séjour. Tout est différent. A milles lieux de la culture occidentale. Le sens de la famille, le rapport à la religion, la philosophie de vie, la place des femmes dans la société, la liberté sexuelle, la perception du temps, les prix, la situation politique, l’hygiène, la cuisine… tout est différent. Mon âme de sociologue s’est pleinement épanouie au sein de cette société pleine de contradictions, où la modernité et la tradition se côtoient, les jeunes aspirent à partir à l’étranger mais restent attachés à leur pays, les femmes sont déchirées entre leurs aspirations à plus de liberté et le respect de la tradition religieuse, les jeunes veulent aimer mais sont réduit à la chasteté la plus totale avant le mariage. C’est une société d’une grande complexité, notamment dans la mesure où tout passe par le non-dit. Le contrôle communautaire est très fort, on ne peut s’éloigner de la pensée commune, au risque d’être exclu du groupe.

Or, la vie sans le groupe ne se conçoit pas au Maroc. La religion est présente partout, dans chaque geste et chaque parole. Cela dit, bien que le fossé culturel entre la culture marocaine et ma propre culture ait bel et bien été ressenti. Je n’ai jamais éprouvé le mal du pays. Bien au contraire, je me suis aussitôt sentie chez moi et c’est avec beaucoup de curiosité et j’ai observé ce gap culturel, de manière totalement détachée. Je me suis très bien adaptée et ai pris beaucoup de plaisir à vivre « comme une marocaine ». Il est tellement important de savoir se détacher de sa propre vision occidentalo-centrée afin de voir comment l’on vit et comment l’on pense ailleurs. C’est une grande leçon de vie, qui permet de nous remettre en question sur énormément de choses.

Mais cette mission a aussi été l’occasion pour moi de découvrir la beauté des paysages marocains. Montagnes enneigées, désert de dunes, immenses plages paradisiaques, forêts, lacs et rivières, cascades, plaines vertes, erg rocailleuses… Le Maroc offre une diversité de paysages à couper le souffle. Jamais je n’aurai pu imaginer tout cela avant de le voir de mes propres yeux. A chaque vacances scolaires marocaines, je partais à l’aventure avec un sac à dos afin de traverser le pays d’un bout à l’autre, en taxi, bus, train, en stop ou à pieds. Le Maroc est un pays sublime, dont les plus belles perles sont souvent des endroits peu connus des touristes. C’était la première fois que je voyageais seule, et cela m’a forgé de bien des manières. Il m’a d’abord fallu faire preuve de beaucoup de débrouillardise et de témérité, car voyager dans un pays inconnu (surtout lorsque l’on est une jeune fille blonde dans un pays musulman) un grand défi technique et logistique. Mais au fur et à mesure des voyages je suis devenue experte.

Cette mission c’est donc un épanouissement professionnel et personnel mais aussi et surtout des rencontres merveilleuses. Il est douloureux de quitter des personnes à qui l’on s’est tant attaché. Je suis pleine de gratitude envers celles et ceux qui m’ont accueillies et m’ont fait me sentir chez moi dès le début.

J’aspire depuis longtemps à travailler dans le domaine de la solidarité internationale. Or, il était important pour moi d’acquérir une expérience de terrain significative avant de me lancer en master sur le sujet. C’est désormais chose faite et je suis plus que jamais convaincue de mon choix d’avenir. Cette mission est un vrai plus dans mon dossier et me permettra, je l’espère, d’obtenir l’un des masters, très sélectifs, que je convoite. Ce service civique restera une expérience inoubliable, qui m’a beaucoup changé. J’espère avoir contribué au rayonnement de mon association et avoir touché en bien le public de Chichaoua.